BAILLEUL-LES-PERNES
Bailleul, Balliolum, Balliol, Bailleus, vient d'après M. Lambert du teuton Wald bois et ieul habitation, et indiquerait une habitation dans les bois;
M. Taillar en trouve 1'étymologiedans.Balivio bailli, et les villages qui portent ce nom remonteraient, selon lui, à l'époque ou les seigneurs fatigués d'exercer leur plus beau privilège, la justice, en déléguaient l'exercice à des baillis.
C'est un des plus jolis villages du canton; il est situé dans une riante vallée où coule la Nave et abrité par les ombrages des bois qui l'entourent; son étendue est assez considérable
relativement au nombre de ses habitants, il a la forme d'un fer à cheval, et l'une des rues, située dans un vallon se dirigeant vers les bois de Nédonchel, doit à ses revers escarpés le nom de Hautes Avesnes.
L'église et la motte du vieux château jaillissent au milieu de la verdure et on voit à l'horizon divers chemins partant du village s'enfoncer dans les bois qui l'environnent au nord-ouest.
Un hameau peu important appelé Wacheux dépend de Bailleul.
La contenance du territoire était en 1759 de 592 mesures, d'après le cadastre de 1833 elle est de 349 hectares dont 34 en manoirs et prairies, 284 en terre arables et 24 hectares 74 en bois, plus un vivier de 28 ares 10.
Il est divisé en deux sections dites des Bois et du Vilage. Nous remarquons parmi les Lieux-dits : le Bosquet-Taillon, les Hauts-Bois, le Bois-Dufrenne, le Bois-deBailleul, les Hauts-Bois-les-Blancs, les Vallées,les Champs-auxBœufs, la Vache, la Berre, le Bibodin, la Drève, le Valamel, les Plats, les Rietz, les Couvertures, leFaye, la Cartelière, la Darette, le Faly, le Rouygeon, le Fond des Marquois, le Graud-Enclos, l'Enclos Genel, le Fief, le Lièvre-Mort.
La population était au XVIII siècle de 130 habitants avec 26 feux, en 1878 elle était de 307 habitants avec 72 maisons. Les registres de catholicité remontent à 1630. Bailleul en 1790 fit partie du canton de Pernes. Ce village était une pairie du comté de Saint-Pol à dix livres parisis de relief et dépendait du bailliage de cette ville.
Il a été le berceau d'une famille importante à laquelle il a donné son nom. Sans descendre de Bailleul roi d'Ecosse comme on l'a prétendu, cette famille par ses vastes domaines, ses alliances avec les principales maisons du Nord de l'Europe était une des plus puissantes du comté. Elle avait pour armes: « d'argent à la bande de gueules. » Agnès, dame de Bailleul apporta cette terre en dot à André son mari qui en prit le nom ; le mariage de Gossuin l'un de leurs descendants avec Bonne d'Ocoche leur procure de vastes possessions. Duchène cite une charte d'Enguerand comte de Saint-Pol où figurent comme témoins Ansel et Hugues de Bailleul (1145). Pierre fut sénéchal de Ternois de 1462 à 1469 et chambellan de Louis XI. Ses fils formèrent deux branches, l'aîné celle des seigneurs de Bailleul, 'qui s'éteignit après deux générations, Adrien, également/seigneur d'Amettes., n'ayant laissé de sa femme Marguerite de Neuville qu'une fille qui épousa en 1526 Pierre de Berghes-Saint-Winoc chevalier, sieur d'Ollehain. La seconde branche dite des seigneurs de Saint-Martin hérita de la terre de Bailleul qui fut érigée en comté en faveur de Maximilien de Bailleul, seigneur dudit lieu, baron de Lesdain et de Saint-Martin, par lettres patentes des archiducs Albert et Isabelle du 8 février 1614. Il épousa Christine de Lalaing et sa fille unique Marguerite se maria avec Ambroise de Hornes; leurs riches domaines passèrent.ensuite par alliance dans la maison de Salm-Kirbourg. De cette seigneurie dépendaient en 1474 divers fiefs dont : 1° trois à Jean de Bécourt demeurant à Houdain, dont un à 68 sols parisis de relief contenant 11 mencaudées, au lieu dit les Buissons à Adam frère et un troisième au même relief contenant 4 à 5 mencaudées avec 16 à 18 sols de menues rentes d'argent et un petit terrage. 2° 5 fiefs à Jean de Gorre dont un tenu, aussi du sieur de Héripré, 4 étaient baillés à censé pour 32 mericauds de blé et d'avoine par an; 3° un à Hue d'Ollehain; 4° un autre à Pierre Dollinguet prestre; 5° un autre à Doudart de Méricourt. Jean de Grospré demeurant à Aire avait aussi 2 fiefs mouvant du comté de Saint-Pol chacun à 60 sols de relief moitié cambellage et rapportant par an 18 livres9 sous. En 1759 cette seigneurie importante valait 350 livres en censives et 830 livres en droits seigneuriaux. Il y avait en outre un château, une ferme avec 20 mesures de manoirs et 165 mesures de terres, quelques [petits bois dits le Flugel, leBois Henri etc., un autre plus grand avait 56 mesures. Il n'y avait ni moulin ni four banal. Dans les archives du Conseil d'Artois on voit qu'en 1733 le Chapitre de Saint-Omer fit saisir ce domaine sur le comte de Homes, sans doute en paiement de quelques droits ou dettes; les créanciers du dernier propriétaire le prince de Salm firent vendre cette terre en 1793; eile comprenait alors 130 hectares et fut adjugée pour 120,000 livres, on aliéna en même temps d'autres biens au même seignenr situés sur Sains-les-Pernes, Floringhem et' Aumerval pour 42,000 livres. (Lambert, Puits Artésien.)
Quant au CHÂTEAU, il se trouvait près de l'église. On voit encore la motte où il était bâti et l'emplacement des fossés profonds qui l'entouraient; une source alimentait ces fossés et formait un ruisseau se dirigeant vers Amettes. Cette construction féodale devait être importante, il n'en subsiste plus que des restes de fondation faite en moellons et on a "comblé l'endroit où était le pont-levis, pour rendre plus facile l'accès de la ferme, bâtie sur l'emplacement du donjon. Turpin l'estimait une des principales forteresses du Ternois, il souffrit beaucoup pendant les guerres du XV°,du XVIe et du XVIII siècles, mais pourtant il ne fut pas détruit puisqu'on le répara en 1420, de plus les centièmes de 1569 parlent de ses jardins et des fossés servant de défense audit lieu; le silence qu'ils gardent au sujet de l'existence d'un mobilier porte à croire qu'il n'était pas habité à cette époque. Dans les archives du Conseil d'Artois on voit qu'en 1648, Jacques de Cerf écuyer sieur de Metz y résidait. Les cahiers de 1759 le qualifient de maison vieille,- château entouré de fossés sur sept mesures de manoir et bois à pied; une note du maire, datée de 1811, indiquerait qu'on acheva sous la Révolution de le démolir. Les guerres du XVIe siècle firent beaucoup de mal à la commune de Bailleul. L'enquête de 1538 dit qu'elle souffrit du voisinage de Pernes, l'église fut dépouillée de ses cloches et de ses candélabres; le pillage amena la misère et la maladie, le nombre des ménages diminua d'un cinquième. L'aide ordinaire n'était que de 10 livres, et on devait pour aides arriérés, 57 livres 10 sous. L'enquête de 1545 prouve que la situation des malheureux habitants n'était pas devenue meilleure : toutes leurs bêtes à cornes et nourritures furent prises par les gens de guerre ; cinq ou six habitants furent emmenés prisonniers pour en tirer rançon. Ceux qui s'étaient retirés à Lillers avec leurs grains et leurs meubles ne ne furent pas plus heureux : les Français après la prise de la ville s'emparèrent de tout, puis passèrent de nouveau par Bailleul, y mirent le feu et brûlèrent deux belles maisons. Ils revinrent le jour de la Toussaint faire de nouveaux pillages et emmenèrent quatre chevaux et quatre prisonniers. Les bois qui avoisinaient le village favorisaient leurs courses. Le seigneur de Bailleul qui d'abord réclamait ses redevances finit par faire des remises importantes. On lit dans les registres de catholicité de la paroisse à l'année 1710 qu'il y eut un grand nombre de morts en cette commune et aussi dans toute la province qui fut ruinée, pillée, saccagée par l'armée des alliés de l'empereur, de l'Angleterre et de la Hollande, pendant les sièges d'Aire et de Béthune, en sorte que les habitants durent quitter leurs maisons, leurs biens, leurs richesses et tout fut livré au pillage; aussi ils furent si fort affligés et épouvantés que la plupart en moururent. En effet, la liste des morts à Bailleul, en 1710, comprend 90 personnes dont plusieurs réfugiés à Blandecques et autres lieux ; le curé, M. Antoine Chevalier dut se sauver à trois lieues de Boulogne où il mourut cette même année. Les habitants de Bailleul, comme nous l'avons déjà vu, étaient peu partisans des innovations amenées par la Révolution. En 1792, quand on organisa la garde nationale, ils refusèrent comme ceux de Bours, Fioringhem et Hestrus, d'en faire partie. Fontaines-lez-Hermans, Aumerval, Erin et Nédon furent les villages du canton où on accepta le mieux cette nouvelle milice. En décembre 1792 on leur nomma un curé assermenté; ils refusèrent, unis à leurs voisins d'Aumerval, de le recevoir, disant qu'ils ne voulaient pas avoir pour curé un fonctionnaire public. On envoya alors, par ordre du district de Saint-Pol et aux frais de la commune, vingt-six gardes nationaux de cette ville pour installer le nouveau prêtre. Ils furent si mal reçus que le district écrivit à la municipalité de rassembler au son de la cloche les habitants pour leur demander s'ils voulaient ou non rester dans la religion catholique. S'ils" abandonnaient ce culte, on allait leur retirer leur curé assermenté, à qui on donnerait une indemnité, mais on vendrait immédiatement les vases sacrés, ornements et objets servant à une religion dont ils ne voulaient plus; mais s'ils devaient rester catholiques, qu'ils eussent à recevoir le prêtre qu'on leur envoyait, car le gouvernement n'en reconnaissait pas d'autre. Le vrai curé était émigré. L'église, sous le vocable de saint Omer, dépendait du doyenné d'Auchy-au-Bois et du diocèse de Boulogne; le collateur était le chapitre de cette ville. La dîme appartenait, en 1569, à l'abbaye de Ham-les-Lillers et pour une faible partie, au chapitre de Thérouanne; les centièmes de 1759 ajoutent comme décimateurs le collège de Boncourt à Paris, uni à celui de Navarre et la cure d'Amettes. Voici d'après Malbrancq,tome III, p. 125,l'origine de l'église : « Il y a près de la ville de Pernes, au comté de Saint-Paul, un village nommé Bailleul. André, seigneur de ce lieu, y fit bâtir une petite église pour qu'on y célébrat les Saints Mystères avec l'autorisation du pape Eugène. Cette église était une succursale de la paroisse d'Amettes, dont elle était voisine, et elle avait bien ses inconvénients; les successeurs d'André eurent soin d'y pourvoir. En effet, un siècle après environ, un chevalier nommé Jean, d'accord avec Béatrix, son épouse, fit séparer Bailleul de l'église paroissiale, donnant en outre un revenu convenable. Ces époux y trouvaient pour eux un accroissement de puissance considérable, en ce que cette église devenant indépendante, le seigneur devait jouir désormais du droit désigné sous le titre de seigneur du chœur. » Selon Locrius on érigea dans ce village, en 1230, une chapelle paroissiale à la demande du seigneur de Bailleul qui la dota suffisamment, du consentement de Béatrix sa femme et d'Adam, son fils aîné. Adrien de Bailleul, seigneur de Saint-Martin, la fit réparer vers 1420: Le comte d'Hostrate, au XVIe siècle, fit ajouter un corps de bâtiment pour en former l'église actuelle et donna à la cure d'Amettes une pièce de terre, qui a porté longtemps le nom des dix-huit mesures du presbytère, pour obtenir l'érection de Bailleul en paroisse. Il fit joindre Aumerval comme secours. En 1619 et 1623, le prince de Hornes contruisit deux chapelles latérales qui forment la croix; l'une porte toujours le nom de chapelle de Saint-Omer, l'autre celui du Rosaire, depuis l'érection de cette, confrérie dans la paroisse, par bulle d'Innocent XII, en 1693(1). L'église est assez jolie, elle n'a qu'une nef avec un transept terminé par des pignons. Le chœur est à pans coupés et plus bas que la nef. La voûte est à arêtes; à l'intersection des nervures, d'après M. Lebel, curé de la paroisse en 1844, se trouvent des modillons dont l'un représente un calice, un autre l'écusson de Bailleul, d'autres des étoiles, des roses, etc. La nef et la tour sont en pierres, le reste est en briques et blancs. L'église est entourée de contreforts, les fenêtres sont de forme ogivale, mais elles ont perdu leurs meneaux. La tour carrée, divisée en quatre parties par des moulures a 30 pieds de haut; une flèche hexagone, en bois, la surmonte; contre la tour est une tourelle pentagone où est placé l'escalier. Sur l'un des pignons du transept on voit la date 1619 avec un double écusson, dont l'un est celui des Bailleul avec la barre et l'autre celui des de Hornes avec les hachements d'hermine et de gueules, mais on ne voit plus les cors de chasse. Sur l'autre pignon on trouve 1623, l'écusson des Bailleul et une porte au haut de laquelle est un grès avec la date 1622. Dans une des fenêtres de la sacristie on remarque un barreau de fer sur lequel est gravé: Maximilien de Bailleul, 1627. Il existe dans cet édifice plusieurs pierres tombales: une de la famille de Bailleul écrite en caractères gothiques et peu lisible, comme une autre plus petite qui se trouve dans une chapelle latérale; celle du curé Dourietz, mort en 1771, est encore conservée: Mais la plus curieuse est au milieu du sanctuaire, au pied de l'autel, elle est en marbre blanc et a six pieds de long. On y lit : « Sub juxta posito illustrissimorum... de Hornes oratorio, recondita sunt cor et.viscera clarissimi principis Philippi Emmanuelis de Hornes, inter primée classis Hispaniarum magnâtes numerati : in regiis Hispaniarum [exercitibus generalis (1) Cette confrérie fut rétablie en 1841 (registre paroissial)' locum tenuit ; fuit provinciae Gueldis et Zulphem gubernator generalis, in eisque princeps. Cornes in Bailleul, etc., etc. Baro in Bautre, Lesdin, par sancti Martini, Agnes grand camp', Gauchin-Legal et toparcha in Lestrem, Ostreville Roellecourt, Rocourt, Epenin, Herlin, Pierremont, Sains, etc. Obiit 9 octobris 1716 aetatis suœ 57 ; uxorem duxeiat Mariam de Ligne, in Isque 27 augusti 1706 defunctam. Cum quâ ibidem communi fato jacet in sepulturâ clarissimorum comitum de.Hornes. Hoc monumentum posuere tanti principis hseredes, anno 1725. » Dans le chœur on a placé deux jolies petites statues en albâtre, du style, de la renaissance, représentant sainte Claire et saint Orner : elles furent sans doute cachées sous la Révolution comme la chaire, placée dans une grange. L'église, à cette époque, fut dépouillée de la plupart de ses ornements et, après avoir servi à faire du salpêtre, vendue nationalement. Une partie des habitants prièrent M. Yvain, maire d'Aumerval, de la racheter ; quand les temps furent devenus meilleurs, il la rendit au culte et les paroissiens des deux villages lui remboursèrent, chacun par moitié, son prix d'acquisition, La fabrique perdit alors ses biens, elle ne put sauver qu'un bois d'un hectare dit le Hayon-Fresnoy. L'église fut réparée en 1802 et 1836. Le presbytère fut rebâti en 1774, par le curé, M. Goudemetz, qui fit graver sur une pierre incrustée dans la cheminée, et existant encore : « Priez pour moi, Goudemetz, François, mai 1774. » Il fit aussi réparer i'église. Ce presbytère était bâti sur trois quartiers et avait deux jardins potagers. Vendu nationalement, Je 27 vendémiaire an VII, la commune put sans doute le racheter et on vient de le rebâtir.